Par Wole Elegbede
La 3ème journée de l’édition en ligne de la conférence africaine sur le journalisme d‘investigation (AIJC2020) s’est tenue le jeudi 08 octobre. Au cours de cette journée, les organisations médiatiques ont été encouragées à mettre en œuvre de nouveaux modèles économiques qui promeuvent la durabilité de leurs organisations et le bien-être des journalistes, afin de faire face aux les défis auxquels est confronté le journalisme d’investigation en Afrique.
La séance de la journée intitulée « Persévérer dans les épreuves : les défis du journalisme d’investigation africain » était animée par Benon Oluka, rédacteur en chef du Réseau international du journalisme d’investigation (GIJN). Elle a mis en vedette quatre grands journalistes d’investigation venant de diverses régions du continent qui ont parlé de leurs défis communs et ont aussi proposé des solutions pour renforcer le journalisme d’investigation à travers le continent.
Oluka, journaliste multimédia ougandais, a parlé de l’importance des collaborations. Il a donné des exemples pour montrer comment le plus grand réseau de journalistes d’investigation qui compte 184 organisations membres à travers le monde, parmi lesquelles 17 sont de l’Afrique subsaharienne, rassemble et soutient les journalistes d’investigation.
Pendant cette séance, Victor Bwire formateur et chef de développement des médias au Conseil kenyan des médias, a présenté une vue d’ensemble de l’étude qu’il a réalisée autour de la cartographie des centres d’investigation privés en Afrique. Selon lui, l’étude a révélé que les journalistes africains voulaient continuer de pratiquer le journalisme d’investigation, en dépit des dangers liés à la profession et en plus des autres défis. Cette étude a aussi identifié 25 centres à travers le continent qui fonctionnent mais dont les activités ont été freinées par la pandémie de Covid-19.
Bwire a aussi révélé que bien que les journalistes d’investigation trouvaient important de faire partie de réseaux mondiaux, l’un des défis majeurs du journalisme d’investigation sur le continent restait la réticence à former des groupes de collaboration entre journalistes, lesquels préféraient travailler et enquêter sur des scoops exclusivement seuls.
Motunrayo Alaka, directrice exécutive et PDG du Centre Wole Soyinka pour le journalisme d’investigation, a classé les défis des journalistes d’investigation en trois groupes à savoir, le bien-être, la sécurité et la corruption ou les systèmes de valeur.
Pour illustrer son propos, elle a utilisé le vieux paradoxe de la poule et de l’œuf. Comparant les médias à la poule et la bonne gouvernance à l’œuf, elle a indiqué que les médias prospéraient lorsque l’atmosphère était propice à la bonne gouvernance et à la démocratie, et vice versa. Elle a prié les journalistes d’aborder leur travail avec humilité.
Concernant l’avenir, Alaka a déclaré : « Je pense que nous devons régler l’aspect économique des médias sans compromettre notre éthique ». Elle a ajouté : « Les valeurs sont importantes mais les médias doivent être durables. »
Gehad Abbas, journaliste d’investigation primée originaire d’Égypte, a profité du débat pour dévoiler les difficultés liées au manque continu de liberté d’information et au contrôle de l’État dans les pays arabes, malgré les changements visibles en Tunisie et au Maroc.
Selon elle : « La liberté d’information existe dans quelques pays arabes tels que la Tunisie qui a voté une loi en 2016 qui accorde le droit d’accès à l’information, et aussi le Maroc. Mais un pays comme l’Égypte qui a une population de 100 millions de citoyens n’a pas franchi ce pas, ce qui rend difficile l’obtention d’informations et complique davantage la tâche des journalistes. »
Elle a donné l’exemple des défis qu’elle a rencontrés lors du reportage intitulé « Behind the Masks », décrivant son expérience comme étant « mouvementée ».
Adriaan Basson, rédacteur en chef à Media24 en Afrique du Sud, a déclaré : « En tant que journaliste d’investigation, vous faites inévitablement face à de nombreux défis lorsque vous essayez de révéler les secrets d’autres personnes. »
Il a donné l’exemple de Hopewell Chin’ono, journaliste zimbabwéen arrêté pour avoir exposé la corruption liée à la COVID-19 et qui impliquait le fils du Président Mnangagwa.
« C’était le développement le plus troublant dans notre domaine au cours des derniers mois et nous sommes reconnaissants de ce que Chin’ono a été mis en liberté provisoire sous caution à cause de la pression internationale».
Basson a parlé de l’absence d’investigations dans les médias traditionnels et a regretté l’utilisation de plateformes telles que Twitter pour saper le bon travail des journalistes d’investigation. Il a prié les journalistes de lutter contre la désinformation qui vient des réseaux sociaux et d’« améliorer leurs services ».
La conférence virtuelle a commencé le mardi 6 octobre 2020 et s’achèvera la vendredi 30 octobre.
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À propos de l’auteur
Wole Elegbede est un journaliste multimédia nigérian. Il est le directeur de projet de Press Attack Monitor, une plateforme média qui met à nu les atteintes à la liberté de la presse au Nigeria. C’est un boursier de l’AIJC2020.
Article traduit de l’anglais par Édith F. Koumtoudji.