Par Reggy Moalusi
Lorsque des journalistes d’investigation ont commencé à poser des questions sur l’utilisation des millions de dollars récoltés pour aider à lutter contre le coronavirus au Nigeria, personne n’a pu justifier de ces dépenses.
C’est ce qu’affirme Aderemi Ojenkule, journaliste de données à Dataphyte au Nigeria. Okenjule et ses collègues, comme la plupart des journalistes d’investigation à travers le monde, ont commencé à creuser et à poser des questions difficiles aux autorités, mettant ainsi à nu la corruption.
« Au Nigeria, la transparence n’a pas son pareil. C’est ainsi qu’à Dataphyte, nous avons décidé d’enquêter sur l’utilisation de ces fonds », a déclaré Okenjule aux participants à la séance virtuelle intitulée « Corruption liée au coronavirus » qui s’est tenue lors de l’édition 2020 de la Conférence africaine sur le journalisme d’investigation (AIJC2020) et qui était animée par Pontsho Pilane, journaliste sud-africaine primée, spécialiste des questions de santé.
Pieter-Louis Myburgh, journaliste d’investigation sud-africain au Daily Maverick, a rejoint Okenjule lors de cette séance.
Pendant qu’il enquêtait sur la corruption au Nigeria, Ojenkule a déclaré avoir découvert que le budget total alloué à la lutte contre la Covid-19 et qui venait à la fois du gouvernement et des donateurs s’élevait à 95,4 millions USD mais qu’en fin de compte, seuls 80 millions USD avaient été dépensés. Où était donc passé le solde ?
En réponse à une question de l’animatrice, Ojenkule a dit qu’il n’avait été ni intimidé ni menacé, bien que les journalistes d’investigation le soient généralement. On l’avait plutôt invité à une réunion pour lui offrir des pots-de-vin.
Okenjule a ajouté qu’il avait dû interroger continuellement les données ouvertes et poser ensuite des questions aux parties prenantes, au personnel de santé, aux fonctionnaires et aux entrepreneurs sur ce qui clochait.
En Afrique du Sud, Myburgh a dit que les fonds d’urgence annoncés par le gouvernement avaient éveillé la curiosité des journalistes d’investigation. Historiquement, les marchés publics ont toujours été liés à la corruption.
« Au début de la pandémie de coronavirus, les services du Président Cyril Ramaphosa et du ministre de la Santé, Zweli Mkhize, ont promis qu’aucune forme de corruption ne serait tolérée. Lorsque les chiffres ont été publiés, les journalistes se sont intéressés aux dépenses relatives aux équipements de protection individuelle (EPI) », a déclaré Myburgh, journaliste primé et auteur du livre Gangster State, une enquête sur les malversations dans la province du Free State sous l’administration d’Ace Magashule, actuel secrétaire général de l’ANC, le parti au pouvoir.
Concernant les appels d’offres annoncés pour les EPI d’urgence, Myburgh a dit qu’il était regrettable que des hommes et des femmes d’affaires opportunistes s’attaquent continuellement au trésor public malgré l’urgence liée à la pandémie.
« La majorité des fournisseurs n’avait pas de permis et ils n’avaient pas non plus d’expérience dans la livraison d’EPI. La plupart sont devenus des fournisseurs véreux d’équipement médical. »
Selon Myburgh, l’autre découverte flagrante concernant la corruption porte sur l’inflation des prix avec un cas de majoration de 400%. Les enquêtes du Daily Maverick ont permis de découvrir que l’inflation des prix et l’utilisation de fournisseurs non agréés étaient évidentes dans la plupart des administrations provinciales du ministère de la Santé. « Il existe encore des volumes de données non traitées que nous devons analyser ».
En conclusion, il a déclaré qu’il serait intéressant de collaborer avec des collègues journalistes d’investigation internationaux pour enquêter sur les contrats transfrontaliers illicites liés à la Covid-19.
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À propos de l’auteur
Moalusi vit en Afrique du Sud où il est un rédacteur en chef et consultant média depuis plus de 17 ans. C’est un boursier de l’AIJC2020.
Article traduit de l’anglais par Édith F. Koumtoudji